Comprendre la science: les anticorps

Cet article marque le début d’une série sur les expériences en science. La plupart du temps, les médias ne montrent pas comment les chercheurs obtiennent les résultats ou les découvertes. Je trouve que comprendre les expériences en science aident à mieux comprendre la science en général, mais cela aide également à développer un esprit critique quand on lit de la vulgarisation scientifique. Aujourd’hui nous allons nous concentrer sur l’utilisation des anticorps dans les labos. Les anticorps sont essentiels pour l’étude des protéines. Nous verrons d’abord comment nous visualisons les protéines avec l’immunohistochimie, ensuite nous verrons comment nous quantifions les protéines avec le Western blot, et enfin nous parlerons de comment nous identifions les cellules avec la cytométrie en flux.

Avant toute chose, nous devons répondre à la question: pourquoi utiliser les anticorps? Comme on l’a vu dans notre série sur le système immunitaire, les anticorps sont capables de se lier à un antigène pendant une attaque immunitaire. Un antigène n’est qu’une partie de protéine pathogénique, du coup les chercheurs ont développé une façon de créer des anticorps spécifique à une protéine d’interêt. De nos jours, nous pouvons obtenir des anticorps spécifiques à n’importe quelle protéine connue. Un autre avantage des anticorps est leur spécificité. En principe, les anticorps ne peuvent s’attacher qu’à la protéine qu’ils reconnaissent et rien d’autre. Ce n’est pas totalement vrai; les macrophages peuvent s’attacher aux anticorps par exemple. Mais nous some capable d’empêcher toutes les liaisons non voulues [source].

Immunohistochimie: Comment voir les protéines

L’immunohistochimie (IHC) est une technique utilisée par la plupart des labos. Pour mieux la comprendre, je vais l’expliquer dans le contexte d’une expérience. Disons que je veux savoir dans quelle partie du cerveau la protéine adrénaline est exprimée le plus. Pour ce faire, je vais prendre un cerveau de souris et le couper en fine lamelle. Ensuite, je vais le bloquer, ce qui veut dire empêcher les interactions non voulue que l’anticorps peut avoir. Ensuite, je vais ajouter mon anticorps contre l’adrénaline. Pour visualiser la protéine, j’ai besoin d’un autre anticorps, mais celui-ci sera spécifique au premier anticorps. Du coup, notre tissus a deux anticorps: l’anticorps primaire spécifique à l’adrénaline, et l’anticorps secondaire spécifique à l’anticorps primaire. L’anticorps secondaire est modifié pour qu’il contienne un marqueur fluorescent, ce qui va nous permettre de voir la protéine. Maintenant que notre expérience est terminée, nous pouvons aller observer notre tissu sous un microscope et voir les protéines (sous la formes de points colorés) [source].

L’IHC offre beaucoup d’avantages, et le principal est la localisation. Dans notre expérience par exemple, je vais pouvoir savoir dans quelle partie exacte du cerveau l’adrénaline est exprimée le plus, et quelle partie en a le moins. De plus, l’IHC est une expérience assez simple et peu chère. De plus, il est possible de quantifier les protéines après un IHC, mais ce n’est pas la meilleure façon de faire. L’IHC a aussi une utilisation clinique. Par exemple, on peut prendre des tissus de patients et déterminer l’avancement du cancer. L’IHC a aussi ses limites. D’abord, nous ne pouvons utiliser qu’un nombre limité d’anticorps, environ 4, ce qui limite le nombre de protéines qu’on peut visualiser en une fois. De plus, le tissu qu’on utilise est mort, du coup nous perdons les mouvements des protéines. Enfin, l’expérience est sensible à la lumière, à cause du marqueur fluorescent. Du coup, si on expose nos tissus à la lumière pour trop longtemps, nous perdrons l’expérience complètement [source / source].

Les Western blots: comment quantifier les protéines

Les western blots sont des expériences phares dans les labos. Encore une fois, nous expliquerons cette technique à travers une expérience. Je veux savoir si stresser un animal va augmenter la production d’adrénaline. Pour cela, je vais prendre une souris et la stresser, puis prendre un peu de ses tissus. Comme groupe témoin, je vais utiliser les tissus d’une souris qui n’a pas été stressée. Je vais ensuite décomposer les tissus pour qu’il n’en reste que les protéines, pour ensuite les séparer par taille. Pour ce faire, je vais faire une électrophorèse par gel. Nous allons créer une membrane spéciale dans laquelle nous mettons nos tissus. Ensuite, nous injectons un courant électrique dans la membrane. Les protéines ont toutes une charge négative et du coup, comme un aimant, elles sont attirées par les charges positives. Du coup nos protéines vont descendre dans la membrane vers le positif. Cependant, notre membrane rend le mouvement très difficile pour les protéines plus lourdes. Du coup notre membrane contient toutes les protéines du tissu, avec les protéines plus légères vers le bas, et les plus lourdes vers le haut. Nous transférons ensuite nos protéines sur une autre membrane plus facile à manipuler et à conserver, encore une fois à l’aide d’un courant électrique. Ensuite nous allons bloquer la membrane comme pour un IHC, et ajouter notre anticorps primaire spécifique à l’adrénaline. Notre anticorps secondaire est différent d’un IHC, car au lieu d’un marqueur fluorescent, il contient une autre protéine appelée peroxydase de raifort (HRP). Cette protéine, quand elle est mise en contact avec une autre protéine appelée substrat d’HRP, nous permet de visualiser notre protéine d’intérêt sous la forme d’une bande noire. Pour ce faire, nous allons mettre le substrat sur la membrane, et y mettre un film spécial. Le film est ensuite exposé dans une machine pour y voir les protéines [source / source].

L’avantage du Western blot est la possibilité de quantifier les protéines. Plus la bande noire est épaisse, plus il y a de protéine. Dans notre expérience, la souris stressée montrera une bande plus épaisse que la souris non-stressée. Les Western blots sont également très sensibles: ils peuvent détecter une infime quantité de protéine, ce qui nous permet d’étudier des protéines plus rares. Malheureusement, les Western blots ont aussi leurs désavantages, le principal étant leur difficulté. Comme vous avez pu le deviner en lisant le protocole, c’est une expérience très dure à faire, et elle est également très longue. Personnellement, cela me prend deux à trois jours pour finir un Western. C’est aussi une expérience assez chère. Un autre problème est la difficulté à analyser l’expérience.Les Western ont tendance à montrer des résultats incorrects, la plupart du temps à cause d’une erreur pendant la préparation. Malheureusement, il est impossible de savoir si quelque chose s’est mal passé avant la fin de l’expérience [source / source].

Cytométrie en flux: comment identifier les cellules

La cytométrie en flux n’est pas utilisée dans la plupart des labos. C’est une technique essentielle dans les labos d’immunologie, et dans beaucoup d’hôpitaux également. La cytométrie en flux a beaucoup d’utilisations, mais la plus intéressante est l’identification des cellules. Étudions cette technique avec une autre expérience: Je veux savoir si les cellules du système immunitaires sont capables de produire de l’adrénaline. Et si oui, quelle cellules en sont capables. Pour ce faire, je vais prendre le sang d’une souris, et le traiter pour qu’il ne reste que les cellules. Ensuite je vais bloquer mon échantillon et ajouter mes anticorps primaires. Pour cette expérience, j’utiliserais des anticorps primaires spécifiques à l’adrénaline, au CD4, au CD8, et au récepteur de la cellule B. Ensuite, j’ajoute mes anticorps secondaires avec marqueur fluorescent. chaque anticorps primaire est associé à un seul anticorps secondaire, et chaque anticorps secondaire a un marqueur fluorescent différent. Ensuite, nous allons analyser notre échantillon dans une machine appelée un cytomètre. Cette machine analyse les cellules une à la fois, et à l’aide de laser va identifier quels anticorps sont attachés aux cellules [source].

Analyser une expérience de cytométrie en flux est difficile. Pour notre expérience, je vais séparer mes cellules en trois groupes: les cellules avec l’anticorps CD4 sont identifiées comme des lymphocytes T CD4, les cellules avec l’anticorps CD8 sont des lymphocytes T CD8, et les cellules avec l’anticorps récepteur de cellule B sont des lymphocytes B. Ensuite, dans chaque groupe, je vais pouvoir voir si ils ont également l’anticorps adrénaline, et combien de cellules l’exprime. Enfin, le cytomètre me permet de reprendre mon échantillon pour l’étudier encore, mais si je le veux, je peux ne prendre que les cellules qui ont les anticorps pour CD4 et adrénaline, et pas les autres. Comme vous pouvez le voir , la cytométrie en flux permet de faire plein de choses: identifier des cellules, voir quelles cellules expriment quelles protéines, séparer notre échantillon pour qu’il ne contienne que des cellules spécifiques, etc… La cytométrie en flux a d’autres avantages: certains cytomètre permettent d’utiliser plus de 10 anticorps, ce qui permet d’étudier plusieurs protéines en même temps. De plus, puisque le cytomètre analyse les cellules une à la fois, c’est extrêmement spécifique. Mais comme toute expérience, elle a aussi ses limites. D’abord, l’expérience est très difficile, et le cytomètre est une machine extrêmement dure à utiliser. De plus, cette expérience est très chère. nos échantillon perdent leur intégrité, et contrairement à l’IHC, on perd la localisation des protéines [source / source].